Ana Dall'Ara-Majek
Professeure invitée en musiques numériques
Rencontre avec Ana Dall'Ara-Majek, professeure invitée en musiques numériques à la Faculté de musique de l'Université de Montréal.
- Parlez-nous de votre parcours ?
Enfant, j'ai joué du piano et de la harpe puis, plus tard, j'ai chanté dans des groupes de musique. La création électroacoustique est venue grâce à la découverte notamment de l'œuvres du compositeur allemand Karlheinz Stockhausen « Gesang der Jünglinge » et de l’album Homogenic de Björk. Je voulais mettre la main à la pâte. En intégrant la classe de composition électroacoustique de Christine Groult au Conservatoire de Pantin, je me suis tout de suite sentie dans mon élément. J’étais fascinée par la proximité avec la matière sonore pendant les séances d’enregistrement et par le fait de pouvoir se détacher des logiques mécaniques du monde physique pour fabriquer ses propres sons à partir d’électricité. Aujourd’hui, je joue du thérémine augmenté! J’utilise cet instrument comme une interface gestuelle qui contrôle des sons générés par ordinateur. Cela me permet de concilier à la fois le côté «physique» de l’interprétation et le côté «surnaturel» de l’électroacoustique. Il y a quelque chose de magique qui s’en détache, les possibilités sont immenses !
- Racontez une expérience de concert, d’exposition ou de conférence qui fut marquante.
L’exposition monographique de l'artiste multidisciplinaire Ryoji Ikeda au Centre PHI à Montréal en 2012 a été mon premier contact avec une esthétique radicalement numérique et glitch. C’est à ce moment que je pris conscience à quel point les flux de données sont ancrés dans nos existences. C'était comme découvrir un monde parallèle qui était pourtant sous mes yeux depuis le début! Il y avait là des milliards de nombres en train de circuler, de fourmiller, de générer des bips et des clics dans un étrange langage d’insecte, de créer à l’intérieur d’une effervescence chaotique des formes incroyablement organisées, j’étais stupéfaite. C’est suite à cette visite que j’ai fait mon véritable virage vers le numérique et que j’ai commencé à allier ma passion pour les insectes avec la musique. Il y a véritablement eu un avant et un après.
- De quelle manière les consignes entourant la COVID-19 ont-elles modifié votre façon d’enseigner ? Y voyez-vous des effets positifs?
Le confinement a exacerbé certaines formes de communication. Dans mon cas, j’ai été chanceuse, car le contenu de mes cours a été relativement facile à adapter en ligne. Le véritable défi était de garder une expérience humaine avec les étudiants malgré les écrans interposés. Plus que d’habitude, nous avons échangé notre vécu, nos inquiétudes et nos solutions pour nous motiver malgré la perte de repères. J’ai trouvé les étudiantes et les étudiants vraiment courageux face à la situation. Je me questionne beaucoup sur la manière de rendre l’expérience encore plus captivante. Je pense à la forme des jeux vidéo ou des jeux de rôles. On peut y passer des heures sans s’en rendre compte, j’y réfléchis.
Novembre 2020