João Catalão
Professeur invité en percussions et directeur de l’Atelier de percussion de l’UdeM
Racontez-nous votre parcours en quelques mots.
Après avoir commencé le violon classique à l'âge de 7 ans et ensuite exploré la batterie dans un groupe de hardcore, ma passion s'est finalement concentrée sur la musique contemporaine et ses percussions. Ce cheminement m'a conduit à étudier avec des grands maîtres tels que le percussionniste Ney Rosauro au Brésil, puis Emmanuel Séjourné en France et Robert Leroux à Montréal. Tout au long de ces expériences, la musique populaire a toujours conservé une place importante dans ma carrière, notamment avec ma participation dans divers groupes de jazz brésilien. En plus d’enseigner à la Faculté de musique, je dirige actuellement à Montréal, en collaboration avec le guitariste et compositeur Sylvain Pohu, le collectif Thuya, dédié à la musique improvisée de tous genres. Par ailleurs, en tant que membre de l'ensemble de six percussionnistes Sixtrum, organisme en résidence à la Faculté de musique, et de l'Ensemble Obiora, je trouve l'épanouissement en tant que percussionniste et compositeur en explorant ainsi trois domaines musicaux distincts : la musique contemporaine, le jazz et la musique classique symphonique.
Parlez-nous de votre champ de recherche.
Je m'intéresse particulièrement à la manière dont les approches théâtrales et le travail de l’acteur peuvent être appliqués à la musique. Cette démarche m'a valu l'obtention d'un doctorat en interprétation à l'Université de Montréal. Influencé par les techniques d'acteur élaborées par Stanislavski, Grotowski et Eugenio Barba, j'ai entamé une approche similaire pour le travail de l'interprète musical. Mon objectif n'était pas nécessairement d'ajouter un rôle scénique à la prestation, mais plutôt de créer un chemin vers une interprétation organique. Cela implique de relier l'univers intérieur de l'interprète à l'œuvre, afin de préserver la fraîcheur des premiers instants même après avoir joué le même répertoire à maintes reprises.
Qu’est-ce qui vous a amené à jouer de votre instrument ?
Mon cheminement vers la percussion a été déclenché par une épiphanie lors de mon premier cours avec le percussionniste Ney Rosauro. Après cette leçon au festival d’été de Brasilia, j'ai abandonné ma chevelure de batteur de hardcore, pour la raser profondément dans la nuit, devenant ainsi le musicien que je suis aujourd'hui. Mon parcours est profondément lié à l'art contemporain sous diverses formes et expressions. Mon expérience avec le département de théâtre de l’Université de Santa Maria au Brésil m'a également ouvert à une autre dimension de l'interprète des arts vivants. La multidisciplinarité a ainsi laissé une empreinte dans ma pratique.
Comment se distingue votre manière d’enseigner?
Je pars du principe que le processus d'apprentissage est propre à chaque étudiante et étudiant. Je peux le guider, lui montrer différentes voies, mais je suis conscient que c'est à lui de faire les connexions. Chaque individu étant unique, je considère qu'il est primordial d'être à l'écoute de cette singularité afin de l'accompagner dans son cheminement en tant qu'artiste.
En quoi la recherche ou la recherche-création modifie-t-elle vos pratiques et méthodes d’enseignement?
Quand j'ai réalisé que mes propres questionnements en tant qu'interprète touchaient également les expériences de mes étudiantes et étudiants, une sorte de rétroaction s'est mise en place entre ma démarche de création musicale en tant que musicien et compositeur, et ma posture d'enseignant. En jonglant avec des étudiantes et étudiantss de différents niveaux et âges, j'ai gagné un nouvel angle de vue par rapport à mon rôle d'interprète. Cela m'a ouvert à de nouvelles approches pour mes recherches. De même, en m'immergeant plus profondément dans le domaine musical grâce à un travail de recherche cohérent et réfléchi, j'ai découvert de nouvelles façons d'enseigner la musique, au-delà de celles qui m'ont été enseignées pendant ma formation. Cette approche me permet de m'adapter à la réalité singulière de chaque étudiant·e.
Quelles sont, selon vous, les qualités les plus importantes pour un·e percussionniste?
Vous devez avant tout être un·e musicien·ne. Ainsi, l'écoute et la connaissance de plusieurs styles sont d'une importance primordiale. La formation de l'oreille revêt également une importance capitale. Nous devons être capables de conceptualiser la musique dans notre esprit avant de pouvoir l'exprimer par d'autres moyens.
Quels sont vos artistes, groupes de musique, albums préférés ?
La question la plus difficile !! Il y en a tellement! Je dirais Hermeto Pascoal, un véritable génie musical vivant, John Cage pour son questionnement perpétuel, Iannis Xenakis pour sa capacité à briser les paradigmes, et Heitor Villa-Lobos pour avoir su exprimer son univers culturel à travers un langage musical universel.
Une rencontre professionnelle marquante ?
L'impact de Ney Rosauro reste gravé dans ma mémoire, grâce à cette révélation musicale qui a profondément influencé mon parcours. Mais je ne saurais oublier de mentionner d'autres figures importantes comme Jan Williams, un percussionniste engagé aux côtés de musiciens éminents tels que John Cage et George Crumb. De plus, Joel Chadabe, compositeur et chercheur dans le domaine de la musique électroacoustique, a également joué un rôle essentiel. Ils m’ont ouvert les portes d'un univers nouveau dans le domaine de la musique contemporaine, tout en insufflant une fraîcheur innée à la création musicale actuelle.
Parlez-nous d’un concert, d’une exposition ou d’une conférence qui a influencé votre parcours.
La rencontre latino-américaine de Santa Maria en 1995 a marqué un tournant dans mon parcours. C'est là que j'ai eu le privilège de rencontrer des figures emblématiques de la percussion contemporaine telles que Leigh Howard Stevens, Siegfried Fink, John Beck, John Hollenbeck, et bien d'autres. Cette expérience m'a permis d'explorer pour la première fois l'étendue des styles et des esthétiques au sein de ma famille d'instruments.
Outre la musique, nommez une autre de vos passions.
L’astronomie et l’histoire sont mes autres passions, je sais, c'est un peu «geek», mais ces domaines nourrissent mon imagination et mon univers créatif!
Printemps 2024