Programme musical
Ce concert d’ouverture de la saison 2024-2025 par l’Orchestre de l’Université de Montréal est le premier concert suivant le départ à la retraite de celui qui l’a fondé en 1993, Jean-François Rivest.
À la baguette ce soir, le chef invité Adam Johnson, titulaire d’un doctorat en interprétation (piano) de l’Université de Montréal et d’un prix en direction d’orchestre du Conservatoire de musique de Montréal.
Le programme est riche et hétéroclite, partant de Alap et Gat de José Évangelista, œuvre à la croisée des mondes, entre minimalisme américain et raga indien, en passant par le second Concerto pour piano de Dmitri Chostakovitch, interprété par Gregory Vandikas, gagnant du deuxième prix du Concours de concerto de l’OUM. En deuxième partie de ce concert, la Symphonie n°3 de Felix Mendelssohn, dite « Écossaise », invite à faire un détour par l’imaginaire romantique germanique.
José Evangelista, Alap et Gat
I- Alap
II- Gat
Chostakovich, Concerto pour piano no 2 en fa majeur, op.102
I- Allegro
II- Andante
III- Allegro
Entracte
Mendelssohn, Symphonie no 3 en la mineur, op. 56, « Écossaise »
I- Andante con moto — Allegro un poco agitato
II- Vivace non troppo
III- Adagio
IV- Allegro vivacissimo — Allegro maestoso assai
La Faculté de musique bénéficie du soutien du Fonds Luc Vinet qui rend possible la tenue de ce concert.
Les artistes
Adam Johson
Chef invité de l’Orchestre de l’Université de Montréal
Diplômé de la Faculté de musique
Travaillant depuis plusieurs années au plus haut niveau de la scène musicale canadienne, le chef d'orchestre canadien primé Adam Johnson a été salué comme « un talent passionnant » et pour sa « présence charismatique et imposante » sur le podium. Leader recherché, il est directeur musical du Bâton Rouge Symphony Orchestra et du Guelph Symphony Orchestra. Il a terminé son mandat de chef en résidence de l'Orchestre symphonique de Montréal en 2019, et à date il a dirigé plus de 80 concerts avec l'OSM où il est fréquemment chef invité. Il a remporté un Prix Opus avec l’OSM en 2018 et a enregistré son premier disque, Riopelle Symphonique, avec l’orchestre en 2022. Avant son mandat à Montréal, M. Johnson a travaillé pendant trois saisons avec l'Orchestre philharmonique de Calgary, et dirige régulièrement comme chef invité avec des orchestres à travers le Canada. Sur le plan international, Adam Johnson a dirigé à l'Opéra National de Paris, ainsi qu’en Espagne, en Allemagne et aux États Unis.
Reconnu pour sa polyvalence hors du commun, le M. Johnson a dirigé des concerts à guichets fermés avec des dizaines d'artistes de premier plan dans un large éventail de styles allant de la pop au jazz en passant par Broadway. Il est régulièrement invité à enregistrer en studio avec orchestre pour des projets internationaux majeurs, incluant pour des expériences de réalité virtuelle. Adam Johnson était l'Éducateur en résidence Mécénat Musica de 2019-2023, créant du matériel pédagogique pour les éducateurs en musique et offrant des ateliers et des spectacles pour augmenter la quantité et la qualité de l'éducation musicale pour les jeunes. Récipiendaire d'un prix en direction d'orchestre du Conseil des Arts du Canada, il est titulaire d'un doctorat en interprétation piano de l'Université de Montréal et d'un prix en direction d'orchestre du Conservatoire de Montréal.
Gregory Vandikas
Piano (2e prix du Concours de concerto de l’OUM 2024)
Étudiant à la Maitrise en musique – Interprétation
Le pianiste Gregory Vandikas poursuit sa maîtrise en interprétation sous la direction de Jean Saulnier à l'Université de Montréal. Il a obtenu son diplôme de premier cycle en interprétation piano à l'École de musique Schulich de McGill, où il a étudié avec Kyoko Hashimoto. En 2019, il a obtenu son diplôme d'associé et son diplôme de licence, obtenant une mention de première classe avec distinction et une médaille d'or nationale. En outre, il a atteint le niveau 8 en violoncelle de l'ICR sous la direction de Hannah Jackson. Gregory est fier d'être diplômé du programme Arts Unionville de l'Unionville High School, où il a démontré son talent en tant que soliste, partenaire de duo et pianiste collaborateur.
Gregory a participé à de nombreux événements et festivals tels que le Festival Peter de Grote aux Pays-Bas, le Festival international du Domaine Forget et Orford Musique au Québec. Il a représenté l'Ontario au Concours national de piano du CFMTA en 2019. Des artistes de renommée, dont Shai Wosner, Benedetto Lupo, Evelyne Brancart, William Aide, Paul Komen, Meng Chien Liu et John O'Connor ont eu le plaisir d'entendre Gregory se produire.
En 2017, il a remporté le concours international de piano Crescendo dans sa catégorie d'âge, ce qui lui a permis de se produire au Carnegie Hall de New York. Par la suite, il a captivé le public en tant que soliste et pianiste en duo lors de l'émission de midi du North York Music Festival/New Classical FM 96.3. Son duo de piano, Duo con Fuoco, a remporté la première place aux finales nationales du CMC en 2017. Gregory est également sorti vainqueur de l'International Music Competition and Festival de Markham et a fait ses débuts en tant que concertiste avec le Kindred Spirit Orchestra au cours de la saison de concerts 2020-2021. À l'été 2019, il a triomphé au concours international de piano de la GOCAA à Boston. En 2021, il a remporté le concours de concerto romantique de l'École de musique Schulich et a ensuite interprété le Concerto pour piano de l’opus 20 de Scriabine avec l'Orchestre symphonique de McGill en 2022.
Les musiciennes et musiciens de l’Orchestre de l’UdeM
Pianiste solo
Anaïs Giguet*
Grégory Vandikas
Violons I
Anne Duforet*
Elvire Bourgade
Emma Guerreiro
Florianne Côté-Richard
Mathilde Goyette-Forget
Mona Brihmat*
Paul Ballesta
Yukiko Kuhara
Zoé Sheng
Violons II
Amandine Hannoun (Violon II solo)
Anaïs Gélinas
Luc-André Larose
Luke Chiang
Paul Karekezi*
Rosalie Thériault*
Rosanne Simard
Vincent Bellemare
Altos
Adélaïde Cadour
Benjamin Touron
Elizabeth Martinez
Mateo Pelaez
Rina Kitagawa
Maria Fernandez Rubiano Pulido*
Violoncelles
Aloïs Vergriete-Pascal
Aram Musco
Corentin Couëffé
Etienne Escalmel
Marilou Cotnoir
Matthieu Seveno
Michael Fowler
Samuel Ouellet Mata
Sidony Delaporte
Tobias Kimmelman
Contrebasses
Benjamin Pastrona-Mankovitz
Etienne Beaulieu-Gaul
Flûtes
Anne-Sophie Ernst-Tabaka
Annie Noël-de-Tilly
Nicole Carbotte (Flûte / Piccolo)
Sarah Billet
Hautbois
Jorik Brovwer
Melissa Ross-Plante
Clarinettes I
Flavien Delmas
Nicholas Kerr-Barr
Clarinette II
Gabrielle Sicotte
Bassons
Maria Olaiz*
Olivier Schoeser
Cors
Ana Macario
Baptiste Pham
Noah Laroque
Sacha Lessard
Trompettes
Félix Fortin
William Laurin*
Trombones
Pierre Mathieu Gauthier (Trombone basse)
Vincent Bufferne
Tuba
Daniel Bonilla Linares
Mehdi Leoub
Percussions
Alexander Pchejetsji-Achmarina
Chen Chen
David Wertheimer
Auxiliaire d'enseignement pour l’OUM
Laura Kubler
* Surnuméraires
L’œuvre
Sortir du « cul-de-sac » de la musique occidentale, l’exemple d’Alap et Gat (1998) de José Évangelista.
« Étant donné qu’on est arrivé à un cul-de-sac de la culture occidentale, on s’est dit que, peut-être, les autres cultures pourraient nous éclairer. Dans mon cas, l’idée d’écrire de la musique purement mélodique m’est venue de mon contact avec les autres cultures, parce que, justement, la plupart des cultures musicales du monde n’utilisent ni harmonie ni contrepoint. »
Les influences des cultures musicales du monde sont florissantes dans l’œuvre de José Évangelista, compositeur montréalais spécialisé dans les musiques d’Asie (gamelan javanais, piano birman et gamelan balinais). Alap et Gat, par son titre-même, est une référence explicite à la musique classique instrumentale de l’Inde du Nord. Dédiée à Lorraine Vaillancourt et aux musiciens du Nouvel Ensemble Moderne qui l’ont créée en 1998, cette pièce pour orchestre de chambre est construite uniquement autour d’une mélodie, tel un raga indien. Cependant, alors que le raga comporte généralement de 5 à 7 notes, cette mélodie en compte 80, ce qui la rend très complexe à percevoir dans son entièreté. En outre, cette ligne mélodique - ou cantus firmus - est traitée en hétérophonie, c’est-à-dire superposée et répartie dans les différents instruments de l’orchestre, engendrant des échos d’elle-même ainsi qu’une illusion de polyphonie.
Ce cantus firmus est introduit et énoncé entièrement une première fois dans Alap. Le premier mouvement s’articule en trois sections : l’introduction (alap) lente, grave et non pulsée ; l’irruption de rythmes perceptibles (jor) ; le climax, où le rythme prend le dessus sur la mélodie (jhala). La mélodie progresse du grave vers l’aigu au fil du premier mouvement et cette augmentation des hauteurs coïncide avec une diminution rythmique. Chaque instrument a une chance de percer l’épaisse texture hétérophonique grâce à des soufflets (crescendo suivi d’un descrescendo) asynchrones.
Le second mouvement, Gat, est deux fois plus long que le premier, mais le même cantus firmus est énoncé. Un accelerando constant caractérise ce mouvement, à la fois pulsé et mélodique. Les figures mélodico-rythmiques, par leur aspect répétitif, rappellent Different Trains (1988) du compositeur minimalisme américain Steve Reich, dont Évangelista faisait l’éloge en estimant que sa musique était moins répétitive que celle de Vivaldi. Les instruments du quatuor à cordes de l’œuvre de Reich imitent musicalement un train en marche. Dans Gat, ce procédé d’écriture est hybridé avec des figures pentatoniques issues du gamelan.
À l’issue de Gat, la vitesse est telle que l’on semble avoir atteint un point de non-retour : la coda ramène l’atmosphère non-pulsée du premier mouvement, comme si le matériau musical et rythmique était épuisé.
Alap et Gat, inspiré du raga indien et du minimalisme américain, illustre bien la singularité du style de José Évangelista : une simple mélodie peut générer des matériaux complexes. Ce cantus firmus est donc le fondement structurel de l’œuvre.
Le Concerto n°2 pour Maxim et orchestre, entre prouesse pédagogique et réussite musicale.
« Avez-vous entendu dire que Shostakovich a écrit un nouveau concerto pour Maxim et orchestre ? », s’amuse à rappeler le fils de Dmitri Shostakovitch, Maxim Shostakovich au sujet du second Concerto pour piano, lors de son entretien avec Noël Goodwin en 1986 à Montréal. Shostakovich a effectivement composé un certain nombre d’œuvres pour ses deux enfants, en témoignent par exemple la Tarentelle et le premier Concerto pour piano. Composé à l’occasion du dix-neuvième anniversaire de son fils en 1957 et créé par Maxim lui-même dans la grande salle du Conservatoire de Moscou, ce second Concerto est aujourd’hui encore une des œuvres les plus populaires de Shostakovich. Conçu pour un orchestre de jeunes, la relative simplicité de son écriture pourrait expliquer son succès, mais il semble également séduire par une écriture plus mature, moins sarcastique et moins discontinue que son premier Concerto pour piano.
Le second Concerto s’ouvre sur une brève et vive introduction orchestrale aux airs de comptine, que le piano s’empresse de rejoindre. L’écriture pianistique, en octaves, privilégie la clarté du discours et renforce sa dimension ingénue. Le style quasi militaire de l’orchestre contraste avec cette innocence de manière presque comique. Le deuxième thème du premier mouvement est plus tendre et moins saccadé. La texture orchestrale et l’écriture du soliste s’enrichit, jusqu’à la cadenza virtuose, qui exploite notamment l’écriture en octaves du piano dans son registre aigu.
L’Andante, aux airs de sarabande, contraste avec le premier mouvement en proposant de nouvelles couleurs : il est écrit aux cordes avec sourdine, donc sans vents ni percussions ; le jeu du piano n’est plus percussif, mais legato. Ce mouvement est empreint de lyrisme et de nostalgie, mais cette émotion est contenue à la manière d’une intime confidence. Il fait écho au piano romantique et rappelle les mouvements lents des œuvres de Rachmaninov.
Le retour à une exubérance enjouée a lieu sans transition à la fin du deuxième mouvement. L’Allegro final rappelle le premier mouvement (Allegro également) par sa dimension militaire, mais pousse la vélocité orchestrale et pianistique plus loin encore jusqu’à atteindre des sommets de virtuosité. À plusieurs reprises dans ce mouvement, Chostakovitch pastiche avec humour des études de Hanon travaillées par son fils au Conservatoire : le trait final au piano en est d’ailleurs pleinement inspiré.
Écrit quatre années après la mort de Staline, ce deuxième Concerto pour piano conserve une certaine ironie sur l’idéologie communiste, en tournant en dérision la marche militaire de ses premier et troisième mouvements. Toutefois, il est bien plus léger et moins dramatique que son précédent Concerto ou que ses symphonies. De plus, son style d’écriture, qui a l’a fait basculer du côté des « formalistes » en 1936 avec son opéra Lady Macbeth, n’est ici pas moderniste. Pour autant, la légèreté et la finesse de l’écriture de ce Concerto justifient son large succès et ses nombreuses performances à travers le monde.
La Symphonie Écossaise de Mendelssohn : précurseur de « l’idée fixe »
Par sa position entre le classicisme et le romantisme, l’œuvre de Mendelssohn est souvent dénigrée car considérée comme n’étant pas parvenue à s’affranchir des contraintes formelles du classicisme. Pourtant, cette Symphonie n°2 se tient au plus proche de l’idéal romantique véhiculé par le thème du destin chez Beethoven (on pense ici à la Cinquième Symphonie dite du Destin) et le thème du voyage solitaire chez Schubert (en témoignent les Winterreise ou la Wanderer Fantasie). Cet idéal caractérise la pensée germanique et se manifeste dans cette symphonie par une forme cyclique irriguée par un thème générateur. En d’autres termes, la plus grande partie de la symphonie peut être déduite d’une formule initiale.
Cette symphonie dite Écossaise nait dans l’esprit de Mendelssohn dès l’année 1829, soit un an avant la création de la Symphonie Fantastique de Berlioz (1830) et son « idée fixe ». Elle est le fruit de son voyage en Écosse et puise son inspiration de différents lieux visités par Mendelssohn, notamment la chapelle en ruine du palais de Mary Stuart et la grotte de Fingal. Son écriture est abandonnée et elle ne voit le jour qu’en 1842, lorsque Mendelssohn ne se sent plus bien à Berlin.
L’introduction, du premier mouvement, Adagio con moto, plonge l’auditeur dans la mélancolique tonalité de la mineur. Les hautbois, associés aux altos, chantent un premier thème sombre, accompagnés par les cors et les vents. Un deuxième thème, agité, est introduit par les violons seuls, puis rejoints par le reste de l’orchestre dans un grand geste de crescendo orchestral. Les deux thèmes sont ensuite associés, le second en guise de contrechant.
L’Allegro agitato qui suit est engagé par un thème agité et en demi-teinte aux cordes et aux clarinettes. La tension inhérente au thème est exploitée par l’ensemble de l’orchestre et transférée au deuxième thème portée par les clarinettes puis les cordes, avec au second plan des idées dérivées du premier thème, notamment les gestes de levée caractéristiques. À la suite d’un conséquent et tempétueux développement, la réexposition est l’occasion d’entendre brièvement une nouvelle fois les thèmes de l’introduction avant de passer directement au Scherzo.
C’est un thème écossais virevoltant stylisé, introduit par les clarinettes, qui caractérise le deuxième mouvement, Vivace non troppo, en fa majeur. Son dessin rappelle l’Ouverture du Songe d’une nuit d’été du même compositeur.
Face à ces vagues de virtuosité, le troisième mouvement, Adagio, plonge de nouveau l’auditeur dans le lyrisme de l’introduction du premier mouvement, mais coloré différemment puisque sa tonalité principale est son homonyme : la majeur. Ce moment de recueillement –malgré plusieurs réminiscences passionnées du premier mouvement- est nécessaire avant de retourner dans le fougueux dernier mouvement, Allegro vivacissimo (Mendelssohn l’avait initialement nommé Allegro guerriero). Le caractère vindicatif et guerrier que ce finale cultive est toutefois anéanti lors de l’irruption d’un nouveau thème, Allegro maestoso, marquant la fin du mouvement et de la symphonie à la manière d’une conclusion hymnique.
La visée unificatrice dépasse la coda de la symphonie : Mendelssohn souhaitait écrire une symphonie in einem Satz (en un seul mouvement). En outre, son écriture est basée sur l’extension et le déploiement d’une cellule génératrice, ce qui explique la longueur de cette œuvre de plus de quarante minutes.
Notes de programmes rédigées par Arthur Prieur, étudiant au doctorat en interprétation, sous la supervision de Sylveline Bourion.
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